Dans les soixante engagements pour la France du candidat François Hollande, le mot de recherche scientifique n’est présent que deux fois en 23 pages, une fois pour dire que le crédit impôt-recherche sera rendu plus simple et plus accessibles aux PME et PMI, et une seconde fois pour simplifier « l’organisation du financement de la recherche, notamment pour que les chercheurs et les enseignants chercheurs puissent se consacrer à leurs véritables tâches ».
C’EST BIEN ! Mais un peu court, non ?
Le nouveau président s’en est peut-être rendu compte en adressant ses « premiers mots de président » au monde de l’éducation et de la recherche, en lui lançant un « Merci à toute la recherche ! ». Il dit vouloir placer la science, l’intelligence, la recherche, la volonté d’apprendre et de transmettre au sommet d’une « nouvelle hiérarchie de valeurs ».
J’ai vu une photographie du moment émouvant où il a déposé une gerbe à l’institut Curie. Il y avait là les petits enfants de Marie et Pierre Curie, Hélène Langevin-Joliot et Pierre Joliot. J’ai un peu côtoyé Pierre Joliot il y a quelques années, et j’espère que c’est auprès de personnes telles que lui que notre nouveau président prendra son inspiration en faveur de la recherche. Un fou de recherche fondamentale et un défenseur passionné du CNRS, enfin de ce qu’il était avant qu’on le mette à mal, ce pauvre CNRS !
Après ce discours, le Président et son Premier Ministre ont choisi Geneviève Fioraso, députée de l’Isère, comme ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle était en charge de l'innovation dans l'équipe de campagne de François Hollande ; dans le cadre du "Pacte productif" visant à soutenir la compétitivité en France.
C’EST BIEN ! Mais,…
Si l’on s’en réfère au manuel d'Oslo de l'OCDE l’innovation est définie comme « la mise au point/commercialisation d’un produit plus performant dans le but de fournir au consommateur des services objectivement nouveaux ou améliorés ». Ça manque un peu de recherche fondamentale dans tout ceci, non ?
On va me dire, une fois encore (!!!), que je fais un procès d’intention. Il n’en n’est rien. Je garde confiance car je reste plutôt optimiste, mais je suis inquiet à cause d’un petit fond de réalisme qui subsiste. « Chat échaudé craint l’eau froide » dit la sagesse populaire… Et échaudé je suis, après un trop long temps de "sarkopécresseries".
C’est le sens du message que je me suis permis d’adresser à ma nouvelle Ministre de tutelle :
(…) Chercheur au CNRS depuis plus de trente cinq ans, je connais, assez bien je crois, la fragilité de notre édifice de recherche publique, et je sais combien il a souffert de la gouvernance de ces dernières années. Nous sommes, je pense, nombreux, à espérer que vous saurez et pourrez rétablir une dynamique et un équilibre dans le monde académique de la recherche scientifique.
Il est dans l'air du temps d'associer deux termes qui certes sont liés, mais sont distincts : recherche et innovation, et ainsi d'abonder la confusion entre science et applications de la science. Permettez-moi de formuler le vœux que votre ministère ne tombe pas dans ces travers, et que, grâce à votre action future, la recherche de la connaissance, la science dite fondamentale, retrouve un soutien fort pour que les chercheurs retrouvent l'immense bonheur de pouvoir œuvrer pour elle et lui livrer toute leur passion.
NB : Je ne semble pas le seul à avoir quelques craintes sur l’avenir de la recherche scientifique, et à vouloir maintenir une grande vigilance sur ce qui sera effectivement fait pour sauver ce qui peut l’être encore. On peut utilement lire ICI un intéressant article sur le blog de Médiapart, accompagné de commentaires non moins intéressants.