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22 novembre 2008 6 22 /11 /novembre /2008 07:47

L'histoire de la recherche scientifique, et notamment celle qui a pour objet la compréhension du vivant a connu des hauts et des bas, mais n'est jamais restée confinée à une quelconque inertie ou un immobilisme comme certains tentent de nous le faire croire aujourd'hui. Le grand chantier a été ouvert par Napoléon 1er lorsque, pensant stimuler le talent scientifique pour encourager les progrès économiques, mais craignant la liberté scientifique qui, au siècle des lumières, avait contribué aux profondes remises en causes du fait établi qui ont amené à la Révolution, il a enfermé la Science à l'université d'où elle a mis des décennies à sortir.


Une chronologie historique du CNRS et de la recherche (http://www.histrecmed.fr/chrono.html ) nous rappelle les errances des politiques de la recherche, notamment entre fondamental et appliqué. Aujourd'hui, le chantier est toujours ouvert, avec des plans qui ne sont pas sans rappeler ceux de ses débuts (la révolution, c'est aussi ce qui fait revenir au point de départ). Ce qui change vraiment, ce sont les outils mis en œuvre. On est passé au bulldozer et à la dynamite. Ce ne sont plus des outils, ce sont des armes.


Si l'on en croit un communiqué du SNCS/FSU (syndicat de la recherche scientifique) publié le mardi 18 novembre 2008, "Le CNRS & l'INSERM explosent en plein vol !" En voici des extraits :
"Le gouvernement avance très rapidement pour mettre à terre le système français de recherche et d'innovation. L'AERES (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) a rendu son verdict « télécommandé » pour l'Inserm : il faut un institut unique regroupant toutes les sciences de la vie et de la santé. Le Premier ministre a aussitôt déclaré, dans son discours à l'occasion des 120 ans de Pasteur, qu'il fallait faire vite. Cet institut, en fait une agence de financement, n'aura pas de fonction opérationnelle. Donc fini l'Inserm et, par ricochet, le CNRS. (…) Les universités, qui « récupèrent » la gestion des unités, sont cantonnées au rôle d'opérateur. La stratégie sera définie par le ministère, mise en musique par les agences et exécutée par les universités".

Il y a environ cinq mois, avec un collègue chercheur, je postais sur ce blog un article que nous intitulions : "La recherche en sciences de la vie : le CNRS a perdu une bataille, mais a-t-il perdu la guerre ?"
Malgré la date de cet appel (le 17 juin, sans aucun lien de parenté !), aucune vraie résistance ne s'est développée.

Dans les allées du pouvoir, rejeter les réformes imposées à marche forcée sans aucune préparation et sans que des moyens réels et efficaces soient là pour leur donner une chance de réussite est considéré passéiste.
Un discours officiel très élaboré qui véhicule des milliards d'euros (on les cherche encore !), des mesures aguichantes pour les jeunes particulièrement brillants (voir mes articles Agoravox du 18 et du 22 octobre sur le sujet), des projets pharaoniques comme celui du site de Saclay (où le synchrotron Soleil voit pourtant son budget 2009 menacé d'une coupe particulièrement brutale), arrive à faire oublier sa brutalité, en particulier contre tout ce qui fonctionne (pas si mal que cela) dans la recherche scientifique en France.

Ce discours crée le lit d'une collaboration objective de bien des scientifiques, qui devraient plutôt, concernant leur avenir, manifester un même niveau de réflexion et de créativité que celui qui les maintient, quoi qu'on en dise, en bonne place dans la compétition scientifique internationale.
Leur soumission à "l'air du temps", aux financements ciblés de l'ANR*, les amène à se comporter soit comme ceux –qu'ils critiquent souvent- qui veulent les applications de la Science avant même que les bases fondamentales de leurs découvertes soient établies, soit en tentant de s'adapter au plus vite à tout ce qui leur est imposé de l'extérieur (pensons au drame du caméléon sur un tartan écossais).
Dans tous les cas, ils feignent d'ignorer quelle est la guerre qu'ils sont en train de perdre, en particulier dans le domaine des Sciences du vivant.

C'est, en effet un domaine dans lequel tout à chacun attend des progrès concrets les plus rapides possibles parce qu'il touche à notre Santé. Qu'importe de connaître le développement de la mouche puisque, après tout, la seule chose que nous voulons en faire, c'est l'écraser lorsqu'elle nous agace l'été, dans nos cuisines. Et je ne parle pas de l'hérédité du pétunia ! Mais quand on en arrive à la guérison "du" cancer que, régulièrement, des charlatans nous annoncent pour demain, là on en arrive à quelque chose de sérieux.**

Mais, ce faisant, on entretient l'illusion que le biomédical est une science à part entière et non un sous-ensemble du vivant. Qui plus est, une science à laquelle il est légitime de réduire l'ensemble des sciences de la vie. La biologie sérieuse serait donc celle qui s'inscrit dans le prétendu continuum qui mène de la recherche fondamentale au lit du malade.
Pourtant, le moins que l'on puisse dire est que le continuum est discontinu. En effet, cherchons où sont les nœuds de pouvoir.
Dans notre article de juin dernier, nous en avions distingué deux : le pouvoir médical puisqu'il tient le lit du malade et donc la recherche clinique, et le pouvoir de l'argent qui envisage ses investissements au plus près du lit du malade, c'est-à-dire au plus près d'un possible retour sur investissement.
Ce sont de véritables "nœuds" puisqu'ils enferment les décisions politiques et brident les scientifiques jusque dans leur réflexion.

Mais, rappelons-le : rien n'est inéluctable qu'on ne soit décidé à accepter.
Il existe un pouvoir, un contre-pouvoir : le pouvoir de celui qui fait. La Science est faite par des scientifiques. On l'oublie, on les oublie trop souvent, voire comme en ces temps troublés on les tient pour quantité négligeable.
Puissent-ils ne pas s'oublier eux-mêmes, et ramener la guerre sur leur propre terrain : la guerre pour la connaissance avant la guerre pour les applications (pour les profits ?). Même les Etats-Unis, Empire du libéralisme économique, l'ont compris. Pourquoi devrions nous nous distinguer sauf à vouloir « réformer » à tous crins quitte à détruire pour le plaisir, et désespérer pour longtemps des générations de Biologistes ?



* Agence nationale de la recherche qui finance des recherches sur projets en très grande majorité ciblés sur des priorités "gouvernementales", et associant, bien sûr, des industriels

** On se casse souvent la tête non seulement pour définir,mais surtout pour défendre la recherche fondamentale. Vous savez, ce qui ne sert à rien mais qui est totalement indispensable.
Dans le domaine des Sciences de la Vie, on a abandonné depuis longtemps cette défense. On préfère se placer sous la bannière de l'utilitaire, on va sauver l'humanité, la biosphère. Je n'ai pas l'impression qu'on ait les mêmes états d'âme à propos de l'intérêt des sciences fondamentales en physique, par exemple. C'est, d'ailleurs à leur sujet, et plus particulièrement à celui du très cher accélérateur géant de particules, le LHC, qu'un grand journal scientifique, j'ai nommé ... Télérama, a fait un beau plaidoyer pour la recherche fondamentale. Vous savez, celle qui ne sert à rien, ... d'autre qu'à nous apporter la CONNAISSANCE :
"Concrètement, c'est une machine de guerre. Un engin extraordinaire, pensé, imaginé, façonné pour faire la nique à un ennemi tenace : l'ignorance".

Article publié sur Agoravox
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commentaires

D
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