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12 novembre 2008 3 12 /11 /novembre /2008 18:01
Plus nous nous approchons de la mise en place des "états généraux" de la bioéthique et de la discussion sur la révision de la loi, plus nous allons devoir nous interroger sur ce que recouvre le qualificatif "bioéthique". Il peut, en effet, arriver que tout le monde parle d'un sujet sans que l'on soit bien certain que tout le monde parle de la même chose.
On a le choix : soit affronter une définition un peu abstraite et forcément complexe de la bioéthique, soit abonder le débat national, dont les états généraux nous fournissent l'occasion, de questions et de thèmes, les discuter, et se demander s'ils se réfèrent bien à la "bioéthique". Je connais des questions qui feront l'unanimité. Mais qu'en sera-t-il de celles qui touchent aux domaines du social, de l'économique, de la santé, ou de la défense du plus faible ou du plus vulnérable ? Ainsi, est-ce parler de "bioéthique" que de s'interroger sur les questionnements éthiques liés à la mise au point et la commercialisation des médicaments ?


Delphine Cavallo, dans un appel à contribution « médicaments et société » pour la Revue Sociologie Santé, Calenda (juillet 2008), souligne que le médicament "tient une place considérable dans l’existence des individus et au sein des relations du système social. Il reflète la complexité de nos sociétés dans leurs dimensions à la fois les plus rationnelles et aussi les plus irrationnelles. Il est au carrefour de toutes les disciplines scientifiques et l’objet de croyances et d’espérances les plus grandes".

Il est indéniable que l'industrie pharmaceutique a contribué et contribue toujours au progrès de l'humanité, en lui apportant son lot de médicaments pour le traitement du cancer, du sida ou des maladies du cœur, par exemple. Mais il n'est pas moins certain que la propriété intellectuelle, les brevets, les conditions morales et économiques de la recherche et des essais cliniques, le prix des médicaments, le marketing et la publicité, contribuent à une tension croissante entre cette industrie et le public. C'est là que commence le questionnement éthique qui est, par exemple, abordé de façon critique et contradictoire dans un ouvrage édité par  MA. Santoro et TM. Gorrie : "Ethics and the Pharmaceutical Industry", New York, Cambridge University Press, 2005.

En 2007, l’OMS (organisation mondiale de la santé) a adopté une définition selon laquelle un système de santé est composé de l’ensemble des organisations, des individus et des actions dont le but premier est de promouvoir, restaurer ou préserver la santé. Paul Hunt, Rapporteur spécial sur le droit au meilleur état de santé physique et mentale auprès des Nation Unies (octobre 2006), s’était penché sur la question de l’accès des populations aux médicaments. Il soulignait d’importantes inégalités : 15% de la population mondiale consomme 90% de la production pharmaceutique mondiale. Nous avons donc besoin d’établir un système fiable qui fournisse des médicaments abordables à tous. S'il incombe d’abord aux États d’améliorer l’accès aux médicaments, de nombreux autres acteurs doivent partager cette responsabilité, y compris les compagnies pharmaceutiques.

L'industrie pharmaceutique est un secteur extrêmement compétitif dont le succès dépend de la vente et la commercialisation de chaque médicament. Le coût de la recherche et du développement (R&D) de chaque médicament se chiffre en millions d'euros. L'industrie pharmaceutique emploie près de 650 000 personnes en Europe, dont 1/6 en R&D. Elle représente en 2008 près de 20% des dépenses mondiales de R&D. C’est le secteur dont le taux d’investissement en R&D rapporté aux ventes est le plus élevé.
La découverte de médicaments et leur développement prennent des années, y compris les tests et les essais cliniques nécessaires pour obtenir les approbations réglementaires de mise sur le marché. Le lancement d'un médicament représente une mise de fonds considérable pour l'entreprise, et le succès des ventes du médicament devient un facteur important pour son succès global. Ce qui est vrai pour le médicament "classique", l'est encore plus pour les biomédicaments. Ce sont des médicaments issus du vivant et produits par génie génétique, qui représentent une part croissante dans l´innovation thérapeutique. On estimait, en 2006, le coût moyen du développement d'un nouveau produit biotechnologique à environ 1,2 milliard de dollars, et le temps nécessaire pour qu'un biomédicament fasse son chemin au travers du développement clinique et de l'évaluation réglementaire pour arriver sur le marché est environ 10% plus long que pour un produit pharmaceutique commun.

La mise au point d'un médicament commence * dans les laboratoires des industries pharmaceutiques. Là, les scientifiques déterminent la nature et la viabilité des programmes de R&D, non seulement à partir de l'état des connaissances du moment dans les sciences de la vie et des moyens thérapeutiques existants, mais aussi – et surtout – à partir de données économiques. Le budget marketing de certaines entreprises pharmaceutiques est parfois supérieur à leur budget R&D. La question clé est de déterminer comment le médicament qui sera mis sur le marché remboursera l'investissement de recherche et de mise au point. C'est, par exemple, sur de telles bases que Roche a décidé, en juillet 2008, de suspendre son programme de recherche sur le VIH/Sida.

Dans ces conditions, il est légitime de s'interroger sur la place de l'humain dans la chaîne qui va des étapes initiales de la conception du médicament. Est-ce justifié de passer outre les intérêts des entreprises afin de répondre à des besoins médicaux non satisfaits ? Comment peut-on structurer correctement la R&D des entreprises pharmaceutiques de manière à maximiser la promotion du bien-être humain tout en respectant la rentabilité et l'intégrité des entreprises ? Si on ne peut être légitimement opposé à ce que des profits raisonnables puissent naître de la mise au point de produits ayant une valeur en santé humaine, les tensions qui peuvent venir d'un mélange de considérations médicales et/ou scientifiques avec les objectifs d'activités financières ont toujours suscité de justes préoccupations.

Le rapport d’information de la commission des Affaires sociales du Sénat, rédigé en 2005 par Mmes MT Hermange et AM Payet, insistait sur une exigence d’indépendance et de transparence dans l’ensemble du système, du mode d’obtention de l’AMM (autorisation de mise sur le marché) à la pharmacovigilance, de l’information délivrée par la visite médicale à celle publiée dans la presse professionnelle.

C'est en 2000 qu'un comité d'éthique et de médiation de l'industrie pharmaceutique (CEMIP) a été créé. Ses missions incluent la régulation des pratiques professionnelles et un pouvoir de recommandation en matière promotionnelle ou professionnelle. Le CEMIP est une émanation de l'industrie pharmaceutique, sous l'égide du LEEM. Il ne peut donc prétendre à l'exigence d'indépendance et de transparence soulevée dans le rapport sénatorial de 2005.

Les interrogations éthiques qui concernent la création et la commercialisation du médicament et qui préoccupent une majorité d'êtres humains restent ouvertes sans que personne semble s'en saisir.


* En fait, la recherche commence en amont, dans l'identification des mécanismes intimes du vivant, déréglés ou détruits chez les malades, et que de nouvelles molécules sauront peut-être cibler un jour. Des liens croissants de dépendance existent entre la recherche fondamentale et des investisseurs, privés en général et de l'industrie pharmaceutique, en particulier. Il s'agit bien d'un pilotage par l'aval qui répond aux vœux de la Ministre de la recherche lorsqu'elle affirme vouloir mettre la recherche au service de l'économie. Les droits et les intérêts des acteurs de la recherche seraient-ils préservés si les investigateurs ou les financeurs devaient tirer bénéfice
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10 novembre 2008 1 10 /11 /novembre /2008 09:49
La recherche sur le génome humain a progressé de façon formidable, dans tous les sens du terme : à la fois remarquable, extraordinaire, et terrifiant. La vitesse et la facilité avec laquelle on peut désormais lire le message de ce génome, c'est-à-dire séquencer l'ADN a franchi une étape avec la publication par la revue Nature des séquences d'ADN individuelles d'un africain du Nigéria et d'un chinois Han. Nous sommes donc à la veille de pouvoir fournir à chacun la séquence de son génome personnel sous une forme électronique dont certaines compagnies privées nous proposent de faire, avec leur assistance, ce que nous voulons. Si ce que nous pouvons en faire relève fréquemment de la supercherie scientifique, ce que nous voulons en faire relève du questionnement éthique.

Il avait fallu dix ans et plusieurs milliards de dollars pour obtenir, en 2003, ce qu'on appelle communément LA séquence complète DU génome humain. Il s'agissait, en fait, d'un génome quasi virtuel, ou plutôt d'un mélange de plusieurs génomes de donneurs anonymes.

Or, les scientifiques savaient depuis longtemps déjà que le plus intéressant dans la connaissance des génomes, ce sont les différences qui existent entre les individus. C'est de cette connaissance-là que l'on sait pouvoir attendre des informations sur le fonctionnement "du" génome, sur la manière dont la génétique et l'environnement interagissent pour faire de nous ce que nous sommes, bien au-delà de notre apparence : pourquoi certains sont plus sensibles au rayonnement du soleil, à la fumée de cigarettes, aux infections, etc. …

Aujourd'hui, la revue Nature publie les séquences du génome –individuel- d'un homme de Yoruba d'Ibadan, au Nigéria et d'un Chinois Han. Aborder le génome d'humains d'ethnies différentes est un premier pas déterminant vers la connaissance de cette diversité génétique qui fait la richesse et la fragilité de l'humanité. Un deuxième pas sera l'accomplissement du séquençage de l'ADN d'un millier de personnes de toutes ethnies dans le monde entier. C'est le but que s'est fixé un consortium international en janvier 2008, afin de créer un vaste catalogue des variations génétiques humaines.

Le génome d'un être vivant, c'est en quelque sorte le grand livre dans lequel sont rassemblées presque toutes les informations nécessaires à la confection et au fonctionnement de chaque cellule de l'organisme, et de l'organisme entier. Cette information est encryptée dans un code à quatre lettres, les quatre bases (A, T, G, C) dont l'ADN est constitué. Cet ADN est présent sous forme de très longues molécules constituant les chromosomes. Dans l'espèce humaine, environ un mètre d'ADN est présent dans le noyau de chaque cellule. On y trouve environ 25 000 gènes, dont on dit souvent qu'ils caractérisent l'espèce et déterminent les particularités de chaque individu comme la couleur des cheveux, des yeux ou ses prédispositions à certaines maladies. Mais la très grande majorité de notre ADN ne code pas de gènes, et la fonction de cet ADN qu'on a qualifié tour à tour d'égoïste ou d'ADN poubelle, et qu'on a souvent beaucoup trop méprisé, reste encore très largement inconnue. D'une manière générale, on comprend encore très mal le message qui est porté par les trois milliards de lettres du grand livre de notre génome. Être capable de lire les lettres de ce livre ne signifie pas qu'on soit en mesure d'en comprendre le sens. Nous sommes encore un peu comme ces scientifiques qui observaient les hiéroglyphes égyptiens en sachant qu'il s'agissait d'une écriture, mais sans en comprendre le sens.

Avant même de comprendre le message qui est encrypté dans la séquence à quatre lettres, il a fallu établir cette séquence. À trois milliards de dollars et dix ans, c'est un peu difficile. Nous dépendons donc des formidables progrès technologiques des méthodes de séquençage qui se développent avec une rapidité toujours croissante. Pensez qu'en 2007, deux scientifiques de renom ont fait établir la séquence de leur ADN en quelques mois et pour, chacun, environ un million de dollars, soit trois mille fois moins que la première séquence. Et maintenant, les deux séquences publiées par Nature ont été établies pour un coût de moins d'un demi-million de dollars chacune. Il y a quelques semaines, les instituts nationaux américains de la santé (NIH) ont décidé d'investir vingt-cinq millions de dollars dans la technologie de séquençage de l'ADN. L'objectif est d'être capable, dès 2013, d'obtenir la séquence complète d'un génome individuel en quelques semaines pour un coût de 1000 dollars. "Connaître" son génome devrait donc devenir accessible non pas à tous, certes, mais aux moins pauvres d'entre nous.

L'ère du génome individuel est arrivée. Mais, nous sommes maintenant confrontés aux défis que représente l'utilisation de cette information.  Nous l'avons vu plus haut, il s'agit aujourd'hui plus de "lire" son génome que de le "connaître". Pour autant, la fascination qu'exercent les formidables progrès de la science et de la technologie qui, dans le cas de la génomique, sont en train d'ouvrir la voie à une médecine "prédictive", fondée sur le génome individuel, nous poussent à "brûler les étapes", et, souvent d'ignorer l'immensité des questions qui restent ouvertes. La première est la mesure dans laquelle la constitution génétique, cette "séquence", nous dit quoi que ce soit sur notre santé future. La valeur prédictive des associations qu'on peut faire entre génome et santé est très en deçà des attentes, dramatiques dans le cas de malades, en particulier ceux qui soufrent de maladies génétiques, orphelines ou pas. Elle ne parvient pas non plus à accroître significativement les facteurs plus traditionnels de prédiction de la bonne santé, tels que le mode de vie et l'histoire familiale.

Robert Nussbaum de l'Université de Californie à SanFrancisco, dit, de façon un peu abrupte que "la recherche en génétique humaine considère toujours un peu (trop) vite qu'elle doit être applicable immédiatement, alors qu'il s'agit bien de recherche fondamentale".

Avec le nombre de personnes dont le génome est – ou sera bientôt entièrement séquencé grandit le marché d'entreprises qui se sont spécialisées dans le "profilage génétique" et qui nous offrent de "repousser les frontières de la génétique médicale". Un nombre croissant de sociétés privées capitalisent sur les informations génétiques personnelles et vendent dès à présent des prévisions sur la santé individuelle à partir d'informations incomplètes telles qu'elles sont disponibles. De plus en plus de services sont proposés, notamment sur Internet, pour "aider" les gens à donner un sens à ces données. Plus qu'une révolution génétique, il s'agit bien d'une rupture sociologique, celle de la confrontation de l'homme, des hommes, avec des informations qui ont à voir avec leur avenir personnel. Que peut-on en faire sur le plan de la santé publique, des sciences sociales et des applications biomédicales potentielles ?
Plutôt que nous aider à nous poser la question de savoir comment nous pouvons utiliser l'immensité des informations déjà disponibles, ces sociétés nous entretiennent dans l'illusion que ces informations nous sont dès à présent utiles pour connaître notre destinée. Or, que puis-je faire si la séquence de mon ADN montre que, vraisemblablement, je serai atteint de la maladie d'Alzheimer dans quelques années, si je n'ai aucun moyen d'empêcher sa survenue. Il est symptomatique que James D. Watson, dont le génome a été séquencé l'an dernier, a exigé que l'on n'interprète pas la séquence d'un gène potentiellement impliqué dans cette terrible maladie. Pis encore, et c'est le cas aujourd'hui, que puis-je penser si l'on me dit que j'ai 32,5 % de "chances" d'être atteint de cette maladie ? Surtout si la lecture de mon ADN fait croire que j'ai également 12,7 % de chances de mourir d'un accident vasculaire cérébral avant de développer mon Alzheimer ???

Afin d'avoir un rôle positif pour comprendre les fondements génétiques des maladies, les séquences d'ADN personnelles devront pouvoir être stockées avec les antécédents médicaux, personnels et familiaux, ainsi que des informations sur l'environnements dans lequel l'individu et né, s'est développé et est devenu adulte. Suis-je prêt, pour savoir tout cela, à accepter que "ma" séquence d'ADN alimente une banque de données dont l'accès sécurisé a peu de chances d'être plus sûr que celui des ordinateurs du Pentagone dans lesquels un adolescent de quinze ans a pu entrer sans plus de difficultés que cela ? Au-delà de simples considérations de sécurité informatique, c'est bien de vie privée qu'il s'agit, et de ce qui peut en être fait. Et lorsqu'on aborde le patrimoine génétique arrive la lancinante question de la propriété : puisque j'ai hérité ce patrimoine de mes parents, vivants ou non, et que je l'ai transmis à mes enfants, possèdé-je l'information qu'il contient et puis-je en faire ce que bon me semble ?

Ainsi que l'écrivait un éditorialiste de la revue Nature, "nous ne pouvons pas prévoir tout ce qui va se produire demain, mais nous pouvons nous y préparer".

Mon génome "personnel". Et alors ? …
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2 avril 15 2 02 /04 /avril /15 22:10
La science n'est pas forcément austère

Pour célébrer ce que les américains appellent "April's fools day", je me permets de rerproduire après traduction (personnelle) un article trouvé sur un site qui donne à penser en mettant en scène humoristique des faits et nouvelles scientifiques, ou en les détournant. Le résultat est brillant, et apte à dérider des scientifiques qui continuent de penser que la science est un un truc sérieux. L'article suivant fait écho, souvenons-nous-en, à la réponse donnée par Craig Venter lorsque, après la première synthèse d'un chromosome bactérien par son équipe, on lui demandait s'il ne se prenait pas un peu pour Dieu, s'il ne "jouait" pas à Dieu ; il répondit : Je ne joue pas !!!

 

Venter deviendra Dieu en 2016; Jésus démissionne
Publié le 5 Mars 2014
par jovialscientist


AU CIEL : J. Craig Venter, scientifique, entrepreneur, et superstar internationale, doit assumer le rôle de Dieu en 2016, a appris Science Web.
Le titulaire actuel, Jésus, a tenu le rôle depuis l’an 0, et se retirera dans 2 ans, pour faire place à Venter. Jésus va rester dans ses rôles de «fils de Dieu», «d'esprit saint» et «sauveur de la race humaine" (un rôle précédemment occupé par Venter).
Venter, qui à lui seul inventé puis séquencé le génome humain, s’est intéressé au rôle de Dieu depuis quelques années, et 2016 lui donnera enfin la possibilité de réaliser son ambition de longue date.
Venter a annoncé hier ses plans pour devenir immortel en utilisant le séquençage de l'ADN. Malgré un échec presque certain, ce projet verra Venter devenir omniprésent, une compétence à ajouter à celles, déjà existantes, d'omniscience et d'omnipotence. Ces trois compétences, en combinaison avec l'immortalité, sont considérées comme clés pour permettre à un candidat de s’acquitter efficacement du rôle de Dieu.
Cependant, de nombreuses objections se sont élevées de la part des communautés tant scientifiques que religieuses, mettant une pression croissante sur Venter pour prouver sa capacité de revenir d'entre les morts. Des milliers de personnes sont déjà portées volontaires pour mener à bien la première moitié de l'expérience.

 

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