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18 juillet 2008 5 18 /07 /juillet /2008 19:25
Un nouveau rapport signé Philippe EVEN, ex-doyen du CHU Necker et directeur de l'Institut Necker, intitulé "faillite et carences de la recherche médicale universitaire" , fait de Necker le MEILLEUR, l'exemple à suivre.
(voir : http://www.lesechos.fr/info/metiers/4751673-ces-chu-qui-ont-abandonne-la-recherche.htm).

Il semble qu'il s'agisse d'une série annuelle puisque le précédent rapport du même Even, publié le 23 juillet 2007 dans les mêmes Echos, visait l'ensemble de la recherche biomédicale, déversait autant de fiel et d'affirmations non fondées, ni étayées sur des bases scientifiques, et arrivait bien évidemment à la même conclusion que l'Institut Necker était le MEILLEUR, et … l'exemple à suivre. Dans une excellente analyse, datée du 4 septembre 2007 dans les Echos, Frédéric Dardel, alors directeur des sciences de la vie au CNRS, avait démonté les failles de l'analyse, et démontré que "la réalité ne correspond (…) pas (au) tableau" dressé par P. Even.

Qu'en est-il aujourd'hui dans la production Even 2008 ?

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les critiques de F. Dardel pourraient s'appliquer ici une fois encore. Que d'affirmations dans ce rapport ! Dès l'introduction, on apprend que "les centres hospitalo-universitaires français (CHU) sont à bout de souffle", que leurs deux tutelles sont, sans discernement, en "conflit permanent", que "qualité des soins, enseignement et recherche sont étroitement liés". Le parti pris est que "la recherche s'évalue par le nombre et la qualité des publications scientifiques et par les brevets et leurs applications commerciales".
Jamais d'interrogations dans ce rapport, jamais de réflexion sur ce qu'évaluation veut dire. La contradiction ne saurait exister puisque, par définition, le "rapporteur" a raison.

P. Even pose une question intéressante qui est "pourquoi un tel succès de Paris et de quelques grandes villes?", avec en corollaire, celle qui concerne les raisons de l'insuccès des autres. L'analyse de ces questions laisse un peu pantois, tant elle peut sembler contradictoire : on a, paraît-il, trop favorisé la province et "fertilisé le désert avec un verre d'eau", alors qu'hors Paris, Strasbourg, Marseille et Lyon, point de salut. Il faut donc, si je comprends bien, ne favoriser que ces derniers. Eux seuls devraient avoir droit au label CHU et être autorisés à faire de la recherche.
Mais, puisque la qualité des soins est liée à la recherche, il faudra donc que tous les français, qui ont un droit égal à une médecine de qualité, puissent se faire soigner à Paris, Strasbourg, Marseille ou Lyon.
Cherchez l'erreur !!! Pour moi, la conclusion pourrait être qu'un verre d'eau ne suffisait pas, et qu'il est sans doute encore temps d'y remédier.
La décentralisation et les tentatives pour rééquilibrer, au moins en petite partie, la Province et Paris, ont donc été une erreur, au moins pour l'auteur du rapport. Sans défendre la manière dont ces tentatives ont été menées, n'est-il pas évident pour tout non parisianiste (je ne veux pas jeter la pierre aux parisiens) qu'on ne pouvait pas laisser poursuivre une désertification de la France au profit d'une capitale unique ? Eh bien non, pas pour P. Even qui poursuit :"de petits centres n'ont plus aucun sens aujourd'hui. Nous devons être lucides et constater que nous n'avons ni les moyens financiers, ni surtout les ressources humaines qualifiées, pour développer de grands centres de recherche dans plus de 10 grandes villes".  Tiens, comme c'est bizarre, 10 grandes villes hospitalo-universitaires, cela me rappelle les 10 campus scientifiques à vocation mondiale, internationale, … intersidérale. Il s'agit-là d'un discours que nous avons entendu ailleurs, mais tout aussi récemment.
Même discours également sur " le domaine de la recherche, qui par nature est une dure compétition, où seuls comptent l'excellence". A quand les contrôles anti-dopage à la sortie des laboratoires ?
Je me suis parfois opposé à certains collègues universitaires, mais je crois que je n'aurais jamais osé les juger avec une violence telle que celle qu'emploie P. Even : "l'état d'esprit de trop d'universitaires, passif, conformiste, formaté, gélifié, ossifié, désenchanté et paresseux est à l'opposé de l'esprit de la recherche, qui est désir de savoir et de progrès …"
Des réformes sont nécessaires, le Conseil National des Université (CNU) n'est peut-être pas une instance d'évaluation idéale, un cursus dit MD-PhD serait probablement un progrès important (il a, d'ailleurs, existé quelques années sous la forme d'un internat de recherche). Mais, pour reprendre l'expression de Frédéric Dardel il y a presque un an, "ne jetons donc pas le bébé avec l'eau du bain" !

Signé : un chercheur en génétique et biologie qui, ainsi que l'auteur du rapport cité, n'a pas publié dans "Nature", "Science", ou "Cell", et qui n'a donc sans doute aucun droit de parler d'évaluation !
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