Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 avril 2013 1 29 /04 /avril /2013 18:27

 

J’emprunte le titre de cet article au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le CCNE, dans son avis N°46 du 30 octobre 1995, intitulé : "Génétique et Médecine : de la prédiction à la prévention". Et le CCNE de continuer : « et la connaissance de sa susceptibilité à des affections évitables rend l'individu responsable d'en tirer les conséquences. Il est après tout admis par tous que c'est en assumant son destin que l'on peut exercer au mieux sa réelle liberté, qui ne serait sans cela que velléité. Il n'empêche que l'on ne peut manquer de s'interroger sur la signification réelle de l'exercice de sa liberté par une personne à laquelle ses prédispositions génétiques ne laisse que le choix entre une existence parfois terriblement contrainte ou des mutilations à visée préventive, et le risque d'une maladie incurable. »

 

Est-il possible de mettre ce texte dans la perspective de la discussion qui a fleuri à la suite de la publication de l’avis N°120 du même CCNE sur les « questions éthiques associées au développement des tests génétiques fœtaux sur sang maternel », le 25 avril dernier ? On lit, en particulier, dans le comité de presse de la Fondation Jérôme Lejeune : « Comment qualifier de réflexion éthique un texte (…) qui se réfugie derrière le dogme du « choix éclairé », à l’origine de l’angoisse puis de la culpabilisation (si l’enfant est atteint, la femme a le « choix » entre éliminer son enfant ou lui imposer la vie avec son handicap) de toutes les femmes enceintes ? ».

Passons sur l’allusion au « dogme » de la part de personnes qui publient leur commentaire sur le site « ZENIT.org » qui se dit lui-même « le monde vu de Rome »… Le CCNE se réfugierait donc derrière « le choix éclairé » ? Mais ce choix est tout sauf un refuge, c’est justement une zone de danger. Le danger de l’information reconnue comme une vertu. Cette fondation J. Lejeune semble donner raison à Charlie Brown dans les « Peanuts » lorsqu’il émettait cette pensée refuge : « je suis résolument heureux, laissez-moi dans mon ignorance!». Mais nous ne pouvons pas rester dans l’ignorance, pas même sur le sujet de la trisomie 21. Cela a commencé avec cette publication scientifique de 1959 : « Étude des chromosomes somatiques de neuf enfants mongoliens » signée de Jérôme Lejeune[i].

 

Alors, oui, le CCNE a pris le parti de l’information, et cela même de manière prospective. Nous ne pouvons plus accepter de vivre dans un monde dans lequel l’église catholique, pourtant au fait que la terre tournait autour du soleil, n’acceptait pas que le peuple en soit informé et condamnait Galilée. Nous ne pouvons pas, non plus, nous cacher la tête dans le sable devant les défis que nous impose l’évolution des techniques de la génétique et de la génomique, à l’heure du séquençage de l’ADN, fût-il celui du fœtus dans le ventre de sa mère.

 

Alors non, le CCNE n’avait pas la prétention de « traiter de la trisomie 21 », comme le croit Frank Talleu, dans un texte à la fois beau, émouvant, et naïf, intitulé « Le nom du gène de l’innocence ? Trisomie 21 ». Le CCNE répondait à une saisine assez précise de la Direction générale de la santé sur « les problèmes éthiques et les questions que soulève le développement de cette technique de diagnostic prénatal des anomalies génétiques du fœtus à partir d’un simple prélèvement de sang de la femme enceinte. » Le sujet était vaste, difficile, et parfois technique, et l’avis un peu long, peut-être ennuyeux comme le regrettait Frank Talleu. Mais il était le fruit d’une réflexion humaine, très humaine même

La critique de cet avis N°120, puisqu’il ouvre lui-même à la réflexion et au débat citoyen, devrait porter sur l’information qu’il apporte [ii], plutôt que sur les idées préconçues de certains...

 

----------------------------------------------------------------

[i] Lejeune J, Gautier M, Turpin R. Étude des chromosomes somatiques de neuf enfants mongoliens. C R Acad Sci Paris. 1959; 248: 1721-1722 et Bull Acad Med. 1959; 143: 256-265.

[ii] L’information demande un émetteur, le CCNE en l’occurrence, et un récepteur, les personnes qui ont fait, font et feront l’effort de lire cet avis (ICI)

L'ignorance est rarement facteur de liberté,…
Partager cet article
Repost0

commentaires